À RETENIR | LES NITAZÈNES, « NOUVEAUX ANCIENS » OPIOÏDES DE SYNTHESE
- coreadd
- 26 mars
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Dernière mise à jour : 2 avr.

Les composés de la famille des nitazènes ont été synthétisés pour la première fois en laboratoire dans les années 1950, pour leurs propriétés antalgiques. Leur développement fut rapidement interrompu en raison d’un rapport bénéfice/risque trop défavorable pour un usage thérapeutique.
C’est à la fin des années 2010 que ces composés refont surface au sein du marché de substances illicites en Amérique du Nord et en Europe de l’Est sous la forme d’isotonitazène (le premier signalement datant de 2019 en Estonie) puis de métonitazène, les différentes molécules ne différant entre elles que par quelques groupements chimiques.
MÉCANISME D’ACTION ET EFFETS
Les nitazènes sont des agonistes des récepteurs opioïdes mu dont l’affinit est estimée 500 fois supérieure à celle de la morphine (et 10 à 20 fois plus que le fentanyl). L’effet recherché par les utilisateurs serait semblable à celui des opioïdes : euphorie, relaxation, analgésie, sédation, dans un délai d’action rapide et pour une courte durée. Les études chez l’animal ont montré un potentiel addictif similaire ou supérieur à celui de la morphine.
La substance peut être retrouvée sous forme de poudre, de comprimé ou de liquide. Elle est le plus souvent utilisée à l’insu du consommateur, en étant vendue pour de l’héroïne par exemple.
La forte “puissance” de ces composés rend leur utilisation d’autant plus imprévisible avec un risque accru d’effets secondaires potentiellement létaux dès de petites quantités consommées (effet dose-dépendant). La dépression centrale et respiratoire peut ainsi conduire à une overdose sévère avec pronostic vital engagé.
La naloxone est l’antidote spécifique des opioïdes, elle existe sous forme de kits prêts à l’emploi disponibles en pharmacies, dans les hôpitaux ou les CSAPA CAARUD, à administrer à la personne en situation d’overdose. La naloxone reste efficace dans le cas d’une overdose aux nitazènes, avec cependant la nécessité d’administrer plusieurs doses de naloxone pour réverser les effets en attendant l’arrivée des secours et de l’oxygénothérapie.
L’ADDICTOVIGILANCE ET LA SITUATION FRANÇAISE
L’association française d’addictovigilance a pour objectif de surveiller toutes les substances psychoactives à potentiel d’abus, y compris les médicaments, les autres substances légales et illégales telles que les nouvelles substances psychoactives (NPS) et leurs conséquences sanitaires chez l’homme.
13 centres d’addictovigilance maillent le territoire et collaborent ensemble dans le but de surveiller, évaluer et prévenir le risque des substances psychoactives à potentiel d’abus.
Après un premier signalement[SB4] français concernant des nitazènes en 2021, les signalements se sont multipliés depuis 2023 avec notamment 2 clusters d’intoxications graves en Occitanie (nitazène vendu sous la dénomination d’« héroïne chinoise ») et en Outre Mer (Réunion et Mayotte) où 6 personnes sont décédées suite à une consommation de ce qu’ils croyaient être de la « chimique » (mélange fumé de tabac imprégné d’alcool et de cannabinoïdes de synthèse).
Ceci met en évidence le risque non négligeable de tromperie lors de l’achat de produits, ainsi que d’adultération. Afin de limiter ces risques, les CSAPA CAARUD proposent des dispositifs d’analyse de produits à destination des usagers.
L’association française d’addictovigilance a publié en novembre 2024 un bulletin à destination des professionnels et usagers afin de les sensibiliser au repérage de ces usages de nitazènes, qui ne sont par ailleurs pas détectables par un dépistage urinaire classique des opiacés. Face à des signes cliniques discordants ou à des effets inattendus, ou tout simplement en cas de doute quant à la substance consommée, il est fortement recommandé de conserver un échantillon du produit consommé et de consulter le centre d’addictovigilance sur son territoire afin d’envisager la marche à suivre mais aussi de participer à ce dispositif indispensable de veille sanitaire.
Sources :
Association des Centres d’Addictovigilance (2024) Les nitazènes, nouveaux opioïdes de synthèse. Bulletin disponible en ligne : https://addictovigilance.fr/wp-content/uploads/2024/11/Bulletin-dAddictovigilance-de-novembre-2024_Nitazenes.pdf
ANSM (2024) Les autorités de santé alertent sur la circulation croissante d’opioïdes de synthèse, dont une nouvelle classe particulièrement dangereuse, désormais inscrite sur la liste des stupéfiants. Disponible en ligne :https://ansm.sante.fr/actualites/les-autorites-de-sante-alertent-sur-la-circulation-croissante-dopioides-de-synthese-dont-une-nouvelle-classe-particulierement-dangereuse-desormais-inscrite-sur-la-liste-des-stupefiants
OFDT (Décembre 2024) Point SINTES. Disponible en ligne : https://www.ofdt.fr/sites/ofdt/files/2024-12/point_sintes_10_0.pdf
Association SAFE (2023) Réagir à une surdose d’opioïde. https://naloxone.fr/
Pour aller plus loin :
Colloque ATHS (2023) Dispositifs d’analyse de drogues.
MILDECA (2024) Un guide et une application pour une meilleure prise en charge des nouveaux produits de synthèse.
Disponible en ligne https://www.drogues.gouv.fr/un-guide-et-une-appli-pour-une-meilleure-prise-en-charge-des-nouveaux-produits-de-synthese-nps

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