PROTOXYDE D’AZOTE : FAUT-IL S’INQUIETER DE SON USAGE ET DU RISQUE DE DÉPENDANCE ?
- coreadd
- 23 juin
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 juil.

Le protoxyde d’azote (N₂O) est un gaz anesthésique, incolore et légèrement sucré, utilisé en médecine pour ses effets analgésiques, anxiolytiques et sédatifs lorsqu’il est mélangé avec de l’oxygène (MEOPA = Mélange équimolaire oxygène-protoxyde d'azote), ainsi qu’en cuisine dans les siphons à chantilly. Il est cependant détourné à des fins récréatives comme euphorisantes ou « gaz hilarant », par inhalation via des ballons gonflés à partir de cartouches ou de bouteilles industrielles.
Ce produit est particulièrement populaire auprès des moins de 35 ans (1)(2). Sa consommation récréative a fortement augmenté ces dernières années, entraînant une hausse préoccupante des cas de détresse neurologique en France. Le protoxyde d’azote est souvent perçu comme un produit de “convivialité”, facile d’accès et considéré à tort comme peu dangereux par les jeunes (3).
La loi n° 2021-695 du 1ᵉʳ juin 2021 interdit de vendre ou d’offrir du protoxyde d’azote à toute personne mineure (4).
DES EFFETS BIEN AU-DELÀ DE L’EUPHORIE
Le protoxyde d’azote provoque des effets immédiats tels que l’euphorie, des fous rires incontrôlables et des distorsions sensorielles. En cas de consommation intense ou répétée, des effets indésirables aigus peuvent apparaître : engourdissements, vertiges, pertes de connaissance, troubles cardiorespiratoires ou brûlures sévères dues à la détente cryogénique du gaz (gelures au contact direct) (5).
À plus long terme, une consommation régulière peut entraîner une carence en vitamine B12, à l’origine de troubles neurologiques graves : démyélinisation de la moelle épinière, troubles moteurs (difficultés à marcher, engourdissements, voire paralysie), mais aussi phénomènes de tolérance, de craving et des syndromes de sevrage. Ces effets, bien documentés, soulignent la dangerosité d’un produit souvent considéré, à tort, comme inoffensif (6).
PRÉVALENCE ET CONTEXTES DE CONSOMMATION DU PROTOXYDE D’AZOTE
Les études montrent que 2,3 % des jeunes de 17 ans ont déjà expérimenté le protoxyde d’azote, avec un usage plus fréquent chez les garçons (3 %) que chez les filles (1,6 %) (2)(7). De manière générale, en 2023, dans la population adulte, 6,7 % des 18–64 ans déclarent avoir consommé du N₂O au moins une fois dans leur vie, et 0,8 % rapportent un usage dans l’année. Précisément, cela concerne 11,7 % parmi les 18-24 ans et 12,5 % parmi les 25-34 ans contre 7,1 % parmi les 35-44 ans (1)(2).

Selon le dispositif TREND, depuis 2022, les lieux de consommation du protoxyde d’azote se sont diversifiés : aux free parties et warehouses se sont ajoutés les festivals généralistes, boîtes de nuit et soirées étudiantes, souvent en lien avec la consommation d’alcool ou de cannabis. On observe également une consommation notable dans la sphère privée (soirées, colocations étudiantes), ainsi que dans les espaces publics (rues, parcs, parkings), où les cartouches vides sont fréquemment abandonnées (8).
UNE BANALISATION QUI MASQUE DES USAGES A RISQUE
Depuis 2013, l’ANSM surveille l’usage détourné du protoxyde d’azote par le biais d’enquêtes d’addictovigilance menées par les CEIP-A, complétées par les données des centres antipoison et de toxicovigilance (CAP-TV). Entre 2019 et 2020, l’Anses et l’ANSM ont mis en évidence une augmentation inquiétante des intoxications, notamment chez les jeunes.
Entre 2020 et 2023, le nombre de signalements liés à la consommation de protoxyde d’azote a triplé, tout comme le nombre de cas graves (multiplié par 3,8). En 2023, les centres CEIP-A ont enregistré 472 signalements, soit une hausse de 30 % par rapport à 2022. Les CAP-TV en ont reçu 305, soit 20 % de plus que l’année précédente. Ces chiffres confirment la nette augmentation des complications signalées ces dernières années. Les mineurs représentent 10 % des cas. Parmi l’ensemble des personnes concernées, 80 % présentent des troubles neurologiques, dont 40 % des atteintes graves de la moelle épinière ou des nerfs périphériques (3).
DISPOSITIFS D’AIDE POUR LES CONSOMMATEURS DE PROTOXYDE D’AZOTE
Malgré les risques liés au protoxyde d’azote, une prise en charge addictologique n’est proposée que dans 16 % des cas de signalement, et 15 % des usagers la refusent. Il est pourtant essentiel d’en parler à un professionnel, à un CSAPA (Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) ou à un centre d’addictovigilance (3).

Pour les moins de 25 ans, les Consultations Jeunes Consommateurs (CJC) offrent un accompagnement gratuit, confidentiel et anonyme. Le service national Drogues Info Service (www.drogues-info-service.fr ou 0 800 23 13 13, appel anonyme et gratuit, 7j/7 de 8h à 2h) propose écoute, conseils et orientation (9).
Pour les professionnels de santé, certains signes (troubles moteurs, neurologiques…) doivent alerter sur une possible intoxication. En cas de dépendance suspectée, il est crucial d’orienter la personne vers une prise en charge spécialisée (vers le CSAPA ou les équipes ELSA en milieu hospitalier). En présence de symptômes graves, il convient de contacter immédiatement les urgences ou un centre antipoison.
CONCLUSION
Les usages du protoxyde d’azote restent relativement faibles mais en nette augmentation, notamment chez les jeunes, avec des risques neurologiques graves souvent méconnus. Il est crucial que les professionnels de santé soient formés au repérage précoce et à l’orientation vers une prise en charge spécialisée. Enfin, l’accompagnement des consommateurs reste le levier essentiel pour limiter les usages problématiques.
POUR ALLER PLUS LOIN
Les portraits DispAdd : Protoxyde d’azote chez les jeunes, par Guilhem Vazzoler (Coordinateur régional, Avenir Santé). Disponible sur :
COREADD NA. Qu’est-ce que le protoxyde d’azote ? Disponible sur : https://www.coreadd.com/post/qu-est-ce-que-le-protoxyde-d-azote
ANSM. Aide au diagnostic et à la prise en charge d’une intoxication au protoxyde d’azote. Disponible sur :
BIBLIOGRAPHIE
Spilka S, Le Nézet O, Janssen E, Brissot A, Philippon A, Eroukmanoff V. Les niveaux d’usage des drogues illicites en France en 2023 – Résultats de l’enquête EROPP 2023. Paris: Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT); Juin 2024. (Tendances n° 164; 4 p.)
Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). Protoxyde d’azote : synthèse des connaissances. Disponible sur : https://www.ofdt.fr/protoxyde-d-azote-synthese-des-connaissances-1735
Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Protoxyde d’azote : données d’addictovigilance. Disponible sur : https://ansm.sante.fr/actualites/le-proto-des-cas-dintoxication-toujours-en-augmentation
République Française. Loi n° 2021-695 du 1er juin 2021 visant à prévenir l’usage dangereux du protoxyde d’azote. Journal officiel de la République française. Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043575111
ANSM. Le « proto », des cas d’intoxication toujours en augmentation. Disponible sur : https://ansm.sante.fr/actualites/le-proto-des-cas-dintoxication-toujours-en-augmentation
Association Addictions France. Fiche Repères – Protoxyde d’azote. Disponible sur : https://addictions-france.org/datafolder/uploads/2021/02/Fiche-Reperes-Protoxyde-d-azote.pdf
Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). Enquête ESCAPAD 2022 – Usages de drogues à 17 ans. Disponible sur : https://www.ofdt.fr/publication/2024/les-drogues-17-ans-analyses-regionales-enquete-escapad-2022-1976
Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). Dispositif Tendances récentes et nouvelles drogues – Tendances 160. Disponible sur : https://www.ofdt.fr/sites/ofdt/files/2025-03/tendances_160_trend.pdf
Santé publique France. Drogues Info Service. Disponible sur : https://www.drogues-info-service.fr

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