TROUBLE DU JEU, UNE ADDICTION PAS COMME LES AUTRES ?
- coreadd
- 26 mai
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Dernière mise à jour : 27 mai

Quand les jeux d’argent et de hasard rencontrent les jeux vidéo
L’Organisation Mondiale de la Santé a reconnu officiellement le « gaming disorder », ou trouble du jeu vidéo, dans sa classification statistique internationale des maladies et des problèmes connexes (CIM-11), entrée en vigueur en 2022.
Le comportement qui caractérise ce trouble s’apparente à « une perte de contrôle sur le jeu, une priorité accrue accordée au jeu, au point que celui-ci prenne le pas sur d’autres centres d’intérêt et activités quotidiennes, et par la poursuite ou la pratique croissante du jeu en dépit de répercussions dommageables. » (1)
Nous retrouvons un schéma similaire à d’autres troubles de l’usage de substances ou d’addictions comportementales. Les notions de perte de contrôle et de poursuite de la pratique malgré les dommages en sont des critères majeurs.
Le trouble du jeu vidéo présente cependant des spécificités puisqu'il est souvent concomitant d'autres comportements au potentiel addictif : jeux d'argent et de hasard, cyberdépendance, pratique de l’achat compulsif...
L’expertise collective sur les conduites addictives chez les adolescents, publiée par l’INSERM en 2014 (2), souligne aussi la grande différence de dangerosité entre les addictions aux substances psychoactives et les addictions sans substances. Les risques somatiques ou neurocognitifs, ainsi que les surdosages et les intoxications sont rares.
L’impact sur la santé demeure pourtant réel, de manière directe ou indirecte : sècheresse oculaire, surpoids, trouble du sommeil, perte de confiance en soi, dépression, isolement voire tendance suicidaire. Selon l'assurance maladie, environ 3 % des Français présentent un risque d'addiction aux jeux vidéo (3).
Des jeux plus à risques que d’autres ?
Les MMORPG (Massive Multiplayer Online Role Play Game), ou « jeux de rôle en ligne massivement multi-joueurs », semblent être un contexte particulièrement à risques (3). Le monde persistant, encourage le joueur à passer le plus de temps possible « online », par crainte de passer à côté d’évènements importants. S’ajoute à cela l’importance de la coopération entre les joueurs qui implique un grand besoin de disponibilité, l’importance du « farming » et les mécanismes de gratification rapides. Les facteurs de développement de l’addiction sont donc particulièrement présents et insidieux. Près de 20 % des joueurs de World of Warcraft, principal MMORPG des années 2000 et 2010, expérimenteraient des répercussions négatives de leur pratique (4).
Le système des lootboxes, du plaisir au piège
Les lootboxes sont un dispositif interne aux jeux vidéo, qui permettent d’accéder à du matériel ou des équipements de meilleure qualité à travers une « pochette surprise », souvent désignée en coffre. Ces boites sont généralement essentielles à l’amélioration des performances des joueurs mais elles sont aussi payantes ! Accompagnées d’animations gratifiantes, de designs attrayants et de récompenses aléatoires instantanées, les lootboxes présentent des ressemblances avec les machines à sous des casinos. Leur existence s’étend à de plus en plus de jeux, souvent gratuits et disponibles sur tous les supports.
Ce modèle commence à être régulé, avec en France l’inscription explicite obligatoire sur les jeux qui en contiennent depuis mai 2020. Rappelons que la vente de jeux d’argent et de hasard de tout type aux mineurs est par ailleurs interdite.
Conclusion
Le trouble du jeu semble protéiforme et c’est cette complexité qui a probablement nourri des fantasmes qui ont retardé sa reconnaissance et son étude. Cette addiction n’est pourtant pas un mythe et mérite d’être surveillée. Connaitre plus précisément les spécificités de ce sujet est essentiel pour mieux accompagner les victimes, souvent jeunes.
L’association e-Enfance, et son standard le 3018, peut être une ressource pour les parents et les professionnels (5).
Pour approfondir ce sujet et enrichir sa pratique, un webinaire est organisé le mardi 24 juin (disponible en replay sur la chaine youtube de la COREADD) (6).
Bibliographie
Organisation mondiale de la Santé. (2020). Trouble du jeu vidéo. https://www.who.int/fr/news-room/questions-and-answers/item/gaming-disorder
INSERM. (2017). Conduites addictives chez les adolescents. https://www.inserm.fr/expertise-collective/conduites-addictives-chez-adolescents/
Dinh, T. S., Yasuoka, J., Poudel, K. C., Otsuka, K., & Jimba, M. (2012). Massively multiplayer online role-playing games (MMORPG): Association between its addiction, self-control and mental disorders among young people in Vietnam. International Journal of Social Psychiatry, 59(6), 570–577. https://doi.org/10.1177/0020764012450938
Monnet, V. (2011, avril-mai). Les jeux en ligne, du plaisir à l’addiction. Campus, Université de Genève, (103).
Le Monde. (2018). Un ado sur huit aurait un usage problématique des jeux vidéo. https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/06/19/un-ado-sur-huit-aurait-un-usage-problematique-des-jeux-video_4542052_3224.html
Romo, L., Bioulac, S., Michel, G., & Kern, L. (2012). La dépendance aux jeux vidéo et à l'Internet. Dunod.

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