De la difficulté de parler simplement dans le milieu médical
Tous les milieux spécialisés ont des jargons que seuls les initiés peuvent comprendre. Il est difficile pour un néophyte d’échanger avec son banquier sur la variation des intérêts de ses placements financiers ou de comprendre les explications de son garagiste sur la panne de sa voiture. De même, dans le milieu médical, beaucoup de patients ne saisissent pas les enjeux de santé liés à la prévention, à l’observance médicamenteuse, aux examens de santé… Derrière les explications, se trouvent souvent des termes techniques complexes rendant le message peu clair, pouvant même renforcer le patient dans sa situation actuelle.
Quelles personnes sont les plus en difficulté ?
Il existe peu d’études nationales sur la littératie en santé. Nous pouvons citer l’étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) (1). Cette étude a mis en évidence qu’une personne sur 10 avait des difficultés de compréhension dans le domaine de la santé. Ces difficultés sont hétérogènes en fonction :
des territoires : plus de difficultés dans certains Départements et Régions d’Outre-Mer (DROM) ;
de l’âge : les personnes les plus âgées sont les plus en difficultés avec un seuil observé à partir de 75 ans ;
des catégories sociaux professionnelles : les plus défavorisées, être sans diplôme ou avec un niveau d’études inférieur au baccalauréat, être immigré, ne pas parler français à la maison, vivre dans un ménage complexe et déclarer un soutien social faible sont liés à un risque plus élevé d’avoir des difficultés en littératie en santé ;
de l’état de santé : environ une personne sur trois déclarant un état de santé mauvais ou très mauvais ont des difficultés en littératie en santé, soit trois fois plus que pour l’ensemble de la population.
Une définition de la littératie « pas pensée en littératie »
Le réseau québécois de recherche et de transfert et de littératie développé par le CTREQ, propose de définir la « littératie » comme « la capacité d’une personne, d’un milieu et d’une communauté à comprendre et à communiquer de l’information par le langage sur différents supports pour participer activement à la société dans différents contextes ». (2)
L’OCDE traduit la « littératie » comme : « la capacité de comprendre, d’évaluer, d’utiliser et de s’engager dans des textes écrits pour participer à la société, pour accomplir ses objectifs et pour développer ses connaissances et son potentiel » (3)
Derrière ces définitions se cachent des notions complexes que nous ne développerons pas ici mais que vous pouvez écouter sur le replay du webinaire « la littératie en santé ».
La définition du Petit Robert : « Aptitude à lire, à comprendre et à utiliser l'information écrite dans la vie quotidienne ».
En d’autres termes il s’agit de rendre accessible et compréhensible une information que ça soit par le fond que par la forme.
Comment m’améliorer ? Voici des outils pour vous aider
Guide de Santé publique France
Il existe des documents pratiques pour aider les professionnels à s’améliorer dans ses échanges et dans les documents écrits. Santé publique France met à disposition un guide pratique : « Communiquer pour tous : Guide pour une information accessible », disponible sur le site de SpF.
www.scolarius.com pour aider à évaluer le degré de littératie
Scolarius est un outil gratuit d’analyse de la lisibilité. Il analyse le niveau de difficulté d’un texte en fonction de la longueur des mots, des phrases et des paragraphes. Il s’agit d’un outil qui permet à l’utilisateur de savoir si le niveau de difficulté de son texte correspond au niveau de compréhension visée (niveau primaire, secondaire, collège, universitaire, initié).
www.howtoquit.ch pour aider à arrêter de fumer
Il s’agit d’un site Suisse pour aider les prescripteurs à expliquer les différentes aides à l’arrêt. Ce site a été pensé et conçu en prenant en compte les principes liés à la littératie : termes simples, informations minimales nécessaire, images, animations vidéos…
Conclusion
Les professionnels de santé sont encore trop peu sensibilisés et formés à la littératie en santé. Pourtant, pour faire passer une information importante, c’est au professionnel d’adapter son discours au niveau de compréhension de la personne qui reçoit cette information. La simplification du discours nécessite de hiérarchiser et de choisir les points les plus importants à communiquer. Ces choix s’avèrent souvent difficiles pour le professionnel car tout lui semble important. Comme dit le dicton, « trop d’information, tue l’information », et même si c’est rassurant d’avoir donné toutes les informations, la personne en face retient très peu d’information et parfois pas les plus importantes.
Les enjeux liés à la littératie en santé sont pourtant bien présents au niveau national et reconnue comme l’un des principaux déterminants des comportements de santé (4). Il est donc conseillé, à tous ceux qui souhaitent s’améliorer dans ce domaine, de s’informer et de découvrir tous les outils mis à disposition pour devenir un « as » en littératie !
(1) DREES. Études et résultats. 2023. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse/etudes-et-resultats/une-personne-sur-dix-eprouve-des-difficultes
(2) Lacelle N, Lafontaine L, Moreau AC, Laroui R. Définition de la littératie. Réseau qué-
bécois de recherche et de transfert en littératie [page web] ; 2016, [en ligne]. http://
(3) Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE). Les perspectives de l’OCDE sur les compétences 2013 : Premiers résultats de l’évaluation des compétences des adultes. Paris: OCDE; 2013.
(4) SPF, CIRLI. Communiquer pour tous : Guide pour une information accessible. 2021. https://www.santepubliquefrance.fr/docs/communiquer-pour-tous-guide-pour-une-information-accessible
(5) Stratégie nationale de santé 2023-2033. https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/Telecharger?NomFichier=hcspr20230328_strnatdesanconduhaucondelasanpub.pdf